INTRO

LES CHAMPIGNONS

LA PIÈCE DE VINGT FRANCS

LA SOUPE AUX CHOUX

LA TRUIE A NANON

COMMENT MATHURIN SICARD NE PUT ENTRER AU CIEL

LA CHEMISE

LA MÈRE MARIETTE

LE BON CIDRE (LE BON CITE)

LE REMÈDE A DEUX FINS

COMMENT BATISS’ LEROUÈ ENTRIT AU PARADIS !


Les Rimiaux de Guémené

INTRO

A : Deem ma fay, oon é sur ben bënèz
B : Mon collègue et moi-même sommes ravis
A : Dë vay anë tou pyen d’pâren é tou pyen d’mâreen
B : De vous voir aussi nombreux aujourd’hui, mesdames, messieurs
A : E meem khëk kënyaw é pi dé syen du bour é d’awt dé pti vilayj
B : Ainsi que quelques enfants, des citadins et des ruraux
A : Mé deem, sa n’é pâ l’tou, lë fâyi gërziyoo va vou jwë astër
B : Trève de plaisanterie, la Compagnie du Grillon Chétif va vous interpréter maintenant
A : Lé Rimyaw dë Gëmnë Peefaw ;
B : Les Rimiaux de Guémené-Penfao.

LES CHAMPIGNONS

 Dam’ j’avais un’ grand’mèr’ qui s’app’lait Jeann’ Letort
Mais, à l’entendr’ parler, ell’ n’avait jamais tort.
El’ tait belle, elle’ tait riche mais elle avait un vice
Et dam’ son vice à iell’ c’était ben l’avarice.
Elle n’aimait point donneu et disait : « Je n’ donn’ rin
C’est ma manie à moi, à tout coup j’ m’en trouv’ ben »
Elle avait un vieux chien, pour garder son trésor
Il ‘tait maig’ comme un clou et on l’app’lait Azor
Un’ chambrière aussi, qui n’était pas trop fine
Et qui s’app’lait je crois, du nom de Joséphine.
Dam’ ben sûr ell’ n’avait point volé l’ Saint-Esprit
C’est vantié ben pour ça qu’ la grand-mèr’ l’avait pris
On a beau être avare et ben aimer l’argent
Y a des jours dans la vie au moins de temps en temps
Où faut rendre aux amis un p’tit d’ leur politesse
Et faire au moins semblant d’avoir un p’tit d’ largesse
Ma grand’mère avait r’çu un jour un bon p’tit quaille
De son fermier Renaud qu’avait tout l’ temps grand saille
Deux gros poulets d’ quatre ans, qu’il app’lait des chapons.
Avec un grand panier tout rempli d’ champignons
« Pour inviter du mond’, ça fait ben mon affaire
J’ f’rai un r’pas à bon compt’ ça va point m’coûter cher
Avec du bon cid’ doux et un’ tass’ de café
Ca va ben nous soigneu et on va s’ régaler »
Elle invitit l’ Cureu avec ses trois vicaires
Monsieu l’ Maire et l’huissier avec les deux notaires
Et le r’pas fut vrai bon, un’ vraie partie d’ piaisi
Ils n’en prir’nt tous deux failles. Ell’ disait « Allez-y »
Pour rassurer son mond’, rapport es champignons
Ma grand’mèr’ leur donnait à tous un’ bonn’ raison.
«Vous pouvez en manger, sans crainte et sans dégoût,
Car c’est d’ la bonne espèc’, ne craignez rin du tout »
Joséphine en donnit tout un plat à Azor,
Hier, dans la ressiée et.... il n’en est pas mort. »
Grand merci comm’ de rien, se dir’nt les invités
Mais y s’ remplir’nt la panse, toujours sans s’inquiéter
Ils ’taient bons, ils ’taient gras, on aurait dit du v’lours
On en aurait mangé jusqu’à la fin du jour !
Tout à coup, au café, voici la Chambrière
Qu’ ouveur la porte et crie « Oh la la, quelle affaire ! !
Azor, le pauvre Azor ! Le pauvre chien qui s’est mort ! »
Tout l’ mond’ se lèv’ du coup, comm’ poussé par un r’ssort.
Ils jaunissent, ils verdiss’nt, pass’nt par tout’s les couleurs
Et tous de s’écrier « Mon Dieu, quel grand malheur
Ce sont les champignons, on est empoisonnés
Et notre dernière heure, à tout coup va sonner. »
Le bon curé, gourmand, dit au premier vicaire
« Confessons nous ben vit’, car notre affaire est claire. »
Les v’la tous affolés, croyant déjà sentir
Leur estomac brûlé et la mort qui va v’nir.
« Mais ça n’est pas tout ça. Que c’est-y que j’ vas faire ?
Y a vantié un remèd’ se disait ma grand’mère
Faudrait pourtant savoir comment not’ chien est mort
S’il y’avait un moyen d’éviter pareil sort »
Et pendant que tout l’ mond’ se trouvait mal à l’aise
Abattu, affolé, étendu sur sa chaise
Elle appell’ Joséphine et ell’ lui dit dur’ment
«Disez me donc ben vit’, mais parlez ben franch’ment
Comment c’est arrivé, avant d’ qu’ri un méd’cin
Qui , les trois quarts du temps, pour ça n’y entend rin. »
Et en brézant ben fort, la voix toute en sanglots
Joséphin’ répondit de son p’tit air idiot
« Azor m’a t’échappé, il s’est sauvé en ville
Il s’est fait écraser par une automobile ! »
La port’ s’ouvrit encor’, mais du coup pour qu’ell’ sorte
Et la pauvr’ Joséphin’ fut foutue à la porte.

 LA PIÈCE DE VINGT FRANCS

Vous connaissez, vantié, la grand’ foir’ de Béré
C’est à Chateaubriant, et il y vient du monde !
De Vill’pot de Soulvach’ de tout l’ pays d’ la Mée
De Moisdon, d’Abbaretz de dix lieues à la ronde
C’est comme un’ Babylon’ pour not’ petit pays.
Souais Sicard y vint donc, rapport à un’ génisse
Qu’il v’lait vendre aussi li, avec un p’tit d’ profit
Et dame, il réussit, avec gros bénéfice
II quittit donc l’ Champ d’ Faille sans trop s’y attardeu
Car la Meill’ra, c’est loin et sa femm’ l’attendeu.
Il comptait sa boursée, tout en baissant la tête
Et tatait les louis d’or au fond de sa pochette
Tout à coup, sur la route, au mitan d’ la poussière
II vit quèqu’ chos’ de jaun’ qui terlusait ben fort
Il s’ baissit pour le prendr’ ça ‘tait à n’y pas crère
Un’ bell’ pièc’ de vingt francs, vè, un’ bell’ pièce en or
« Tout c’ qu’est bon à trouveu est bon à ramasseu »
Dit l’ gars en la prenant, et la mettant en poche
Il ‘tait seul sur la route, pas besoin de s’ presseu.
Mais dès qu’il arrivit, vla la mariée qu’approche
Et qui s’enquit d’ la bête et des nouvell’ du Bourg
Car les femm’ sont curieus’ et y’a pas qu’ moi qui l’ dis
L’ gars Souais l’y racontit tout’ les nouvell’s du jour
Sans oublier la pièc’. C’est la Marie qui rit
« Et ben, gars Souais, mon vieux, mets-la dans la tirette
Et si ell’ trouv’ son maître, et ben on la rendra
Car après tout, on est tous les deux ben honnêtes
Mais dam’ en attendant. Ma foi, elle est ben là. »
Elle y restit 3 mois. Et vla la Paqu’ qu’arrive
Jeulien fut à confess’ car il ‘tait bon chrétien
II racontit l’affair’ d’un’ façon ben craintive
« Je trouvi sur la route un beau jour, un p’tit d’ bien
Ben sûr, j’ voudrais ben l’ rend’ mais je n’ sais pas à qui
J’ai d’mandé à tout l’ monde aux jeun’s et aux anciens
Je n’ voudrais point garder de l’argent mal acquis. »
« Et ben, mon cher François, faisez la charité
Vous trouv’rez ben à qui du coûté d’ la Meill’ra »
Dam’ vé,que s’ dit l’ gars Souais, y’a pas à hésiter
Les malheureux chez nous, dam’ sûr que ça n’ manqu’ pas
Y’a mon voisin Batiss qu’a un’ guerouée d’ garçaille
Et qui n’est pas trop rich’ vu qu’il aim’ ben trop l’ vin.
Mais si j’ li donn’ l’argent j’ai grand peur qu’il le baille
J’ vas plutôt li payer cett’ somm’ là en bon grain.
Ça s’ra plus profitable et ça va rin m’ couter. »
Il l’y dit donc l’histoir’ que j’ viens d’ vous raconter
« J’ai trouveu un louis d’or, un louis d’ vingt francs tout neu
Comme il n’est pa à maill’ ben j’ m’en vas te l’ donneu
Vu qu’ je se ben honnet’, j’ vas t’ payeu en nature
Car entre nous, voisin, l’affair’ s’ra ben plus sûre.
Apport’ donc un sac vide, un sac d’un hectolite
Et ouvre li la goul’, j’ vâs te l’ remplir ben vite. »
Quand il fut plein il dit : « Semb’ t’i qu’ c’est ben honnête
« Nom de d’ là, surtout pas, dam’ je n’ sé pas si bête
En surfant hier au saill’ sur le Web ecout’ ma
J’ai ben vu qu’ sur le sit’ des bon gars d’la Cana
Le grain avait baissé d’touais euros l’hectolit’
Semb’ t-il qu’ tu veux m’ rouler, t’est teigneux comme un’ mite
Sûr qu’en t’ tirant d’affair’ comm’ ça, tu s’rais benaise
Mais c’est ’cor’ mon gars ben plus d’ deux mill’ que tu m’ baises »

 LA SOUPE AUX CHOUX

 Dans c’ temps là que j’vous caouse il n’y’avait qu’un méd’cin
C’est ben assez vantié pour mourir à son aise.
A c’t’ heur ci y en a trois et comm’ dit mon voisin
On n’ veut point laisser les gens s’en aller d’ vieillesse
Or donc un mercredi, au tout fin fond d’ l’hiver,
Le bon Docteur Heuzé s’ chauffait dans sa cuisine,
Les pieds dans son foyer où la soup’ de choux verts
Cuisait ben tout douc’ment dans un’ saprée terrine.
Comme il était gourmand, y s’ régalait d’avance,
Car ça sentait si bon. «. J’ vas faire un bon soupeu,
Ça n’est pas défendu d’aimer l’ bon cas je pense».
Mais dam’, le malheureux, il fut bien attrapeu.
On frappait à la porte. « Allons bon, que que n’y’a ? »
« C’est l’ gars Souais Ricordel il a ben besoin d’ vous,
Pour aller voir sa  femm’ dans le bourg de Mass’ra
Dépêchez vous, Monsieur, car ça n’ va pas du tout. »
« J’ ’tais à fair’ mon souper et j’accours au plus vite.
J’attell’ ma vieill’ jument dam’ je m’en viens tout suite,
Dit le Docteur Heuzé, j’ vous emmène avec maï
J’ va prendr’ mon grous mantiau, car il fait fre et naï. »
Les v’la tous deux partis au grand trot d’ la jument
Qu’avait sans vous mentir, vantié ben plus d’ 30 ans.
Arrivé à cent mètr’ du bourg de Masséra
Ricordel dit : « Monsieur, j’ vous prie arrêtez là.»
« Mais je n’ se pas rendu. » «C’est ben bon que j’ vous dis
Vla cent sous que j’ vous dois, au r’voir et grand merci.»
« Que c’est-y qu’ ça veut dire ? Et vot’ malad’ là bas »
« Ah ! Monsieur, y’en a point, pas plus s’ment qu’ sur mon bras.
Perrin’ n’a ren du tout, mais ell’ n’est point commode.
Tous deux on n’y peut ren, faut que j’ m’en accomode.
Ecoutez en deux mots mon histouèr’ zallez vaille.
A la foir’ de Guém’né, j’ai eu l’ grand tort de baille
Vantié cinq, six chopin’s de plus que j’ n’aurais dû
Et dam’, le train de R’don, li n’ m’a pas attendu.
Pour rentrer à Mass’ra, sûr, ça n’ fut pas facile
Pour trouver un’ voiture je fis l’ tour de la ville
Chez Jarnot, comme ailleurs fallut payer dix francs !
Je m’ suis dit chez l’ docteur, çà s’ra ben différent.
Pour venir à Massra le med’cin prend cent sous,
J’ai cor tout’ mes idées, car je n’ se pas trop saoul.
Et j’ai toujours été un gars ben économe,
J’ai payé c’ que j’ vous dois, et je sé quitte en somme »
Le docteur stomaqué repartit sur le coup
Pour rentrer à Guém’né manger sa soupe aux choux.

 LA TRUIE A NANON

 Depé que l’ monde est monde (et ça n’est pas d’aneu)
On n’avait vu chez nous et dans tout’ la contreu
Un’ bêt’ plus bell’ pus grasse et pus fort’ que la traille
A Nanon Amosseu, la fill’ au pèr’ Batisse,
Avec un guerouin rose et des tach’s blanch’s et nailles
Ell’ ‘tait pu grouss’ qu’un bœuf et pus haut’ qu’un’ génisse
Ell’ la z’avait ach’teu un jour de Saint Micheu.
EIl’ la z’avait payeu, vantyé pus d’ dix pistoles
Nanon en ‘tait glorieus’, glorieus’ jusqu’au pécheu.
Ell’ disait, à part elle : « N’y manqu’ que la parole.»
Comme ell’ tait pas bin riche et qu’elle aimait l’argent,
Ell’ comptait bin la vendre avec bon bénéfice.
Ell’ disait : « Dans six mois, on s’ra à la saint Jean
Et j’ m’en irai la vend’ sitout après l’Office. »
Vé ! mais vla qu’un biau jour, au mitan d’ février,
La traill’ ne v’lit rin prend’,·ni mitau, ni patache,
Nanon yi port’ du son, des poir’s de son grenier,
Des chataign’s égachées avec du lait d’ sa vache,
Ell’ n’y goutit qu’un p’tit et ell’ dépérisseu.
Et la traill’ tous les jours, maigrisseu, maigrisseu
Ell’ changeait d’ plus en plus, rien n’y faisait pyaisi
Nanon dit : « Ma grand’ faill’, ça n’ dur’ra pas ainsi.»
La v’la partie, un saill’ trouver Perrin’ Godard.
« Ell’ saura bin c’ qui m’ faut, ell’ m’ donn’ra un’ méd’cine
Et pour la défrayer j’yi port’rai un p’tit d’ lard
Et pis, on n’est-il pas tout’ deux un p’tit cousines ? »
Perrin yi dit: « Ma fill’, je n’ voudrais point t’ voleu
Si j’ tais qu’ taill’, j’ m’en irais trouveu Hyacinthe Evain.
C’est un fameux hongreur, tu n’as qu’à yi caouseu
J’ai ouir dir’, bin des faill’s, qu’il ‘teu un p’tit devin. »
V’là Hyacinthe arriveu, et qui r’gardit la traille.
La tournit, la virit, li tapit su’ la panse.
Qui yi donnit un’ purg’, un’ purge et deux gouss’s d’ail
Avec un tas d’ poueson à mett’ dans sa pitance
Mais la fi d’ garc’ de traille, ell’ n’en allait pas mieux
Ell’ ‘tait prêt’ à queurveu et Nanon en brezeu !!!
Ell’ r’tournit chez l’hongreur en se frottant les yeux
Il yi dit : « Ma pauv’ fill’, j’ vas la débarrasser
(Il avait bu un coup ça y’arrivait souvent.)
« Mais dam’, ça cout’ra cher; » « Disez, disez terjous
Si faut payeu, j’ paierai ; je n’ tiens point à l’argent
Et pour sauveu ma traill’, je donn’rais bin cent sous !!! »
« Eh ben, v’la mon secret, écoutez donc maï ben
Vot’ traill’ ne veut rin prendr’, c’est là son grand malheur
Y’en a tant qui prenn’ bin, ou du cit’ ou du vin
Les marguilleu surtout qui sont des gens d’honneur,
Je n’ai jamais ouï dir’ qu’ils avaient r’fusé d’ prendre
Et quand ils r’tourn’t chez eux tous les dimanch’s au saille,
Ils n’ont jamais trouvé qu’ la rout’ soit assez grande
Car, dans tout’ la raysié, sûr, ils n’ont fait rien que d’ baille.
Allez donc à la cur’ trouveu Monsieur l’ Cureu,
Rapport à vot’ malade, dit’s yi dans l’ creux d’ l’oraille
Que vous d’mandez pour elle un’ plac’ de marguilleu
Ell’ prendra bin, après, j’ vous l’ garantis, votr’ traille !!! »

COMMENT MATHURIN SICARD NE PUT ENTRER AU CIEL

Si qu’on sé bête un p’tit, c’est encor’ raisonnable.
Faut pas exagérer : ça n’est plus pardonnable.
Et Mathurin Sicard, de la rue Saint-Clément
S’en aperçut trop tard, mais dam’ il n’ tait plus temps.
Vous l’avez-t-y connu ? II était peillotier
Ca ‘tait un metier d’ ren pour les haricotiers.
Il avait épousé en premier’ noc’ Perrine
Et il n’ fut point heureux avec cett’ vieill’ mâtine.
Cà ‘tait un’ vraie gueudill’ quand ell’ fut carpaillée
Il fut plutôt benaise et il n’a guèr’ buyé
Vantié six mois après Mathurin se r’marie
II tombit ‘cor’ plus mal avec la Jeann’-Marie
Du coup cinq ans après c’est Mathurin qui meurt
Et ça ‘tait ben pour lui, ma foi, un grand bonheur.
Le vla parti, au Ciel pour parler à saint Pierre
Qui fut dit-on un gendr’ ben bon pour sa bell’-mère.
« Je fus dix ans marié » dit-il dans un soupir,
« Dix ans ! c'est pas possib' Ah, t’es un vrai martyr.
Viens, tu l’as mérité, car tu es un’ belle âme. »
« Sûr.! que dit Mathurin, mêm’ que j’ai eu deux femmes. »
« Comment, t’en as pris deux, dam' là, t’es ben trop bête,
Fous-moi l’ camp de d’là, dam’ vraiment tu t’ paies ma tête,
Un’ fois ça passe encore, et moi je l’ai ben fait
Mais dam’ deux fois mon gars faut êt’ un grand benêt.»

 LA CHEMISE

 Ça ’tait un saill’ d’hiver min pas d’ l’hiver dernieu
La bonn’ femm’ à Bertin, Bertin d’ la Hunaudière
Sa femm’ qu’est un’ picra et une embarratière,
S’avait piqueu un daill’ en allant qu’ri du bouès
Et 1’ daille avait enfleu comm’ la traill’ à Jean-Pierre
La sienn’ qu’il avait hérité d’ son cousin d’ Mouais.
L’armaïjeur de Nozaille y mit un catapiasse
Ça n’y fit rin du tout il n’enflit que d’ pus belle.
Il mit d’ la merd’ de oie avec un p’tit d’ filasse
Le frottit d’herbe sainte et de graiss’ de chandelle
Ça ‘tait comm’ s’il chantait et l’ fils d’ bougueur de daille
Continuit à groussi, et v’là tit pas qu’enfin
Y s’ mit dans tout son corps, et ça ‘tait selon maille
Un mau qu’on n’ connait guèr’ comme un’ espèce de v’lin
La femme eut pou d’ mourir et dit au gars Bertin
« Va qu’ri Monsieur l’ Cureu, car je vas terpasseu !
Et il coût’ra terjous ben moins cher que l’ méd’cin ! »
Et v’là donc l’ gars parti et le v’la de s’ presseu !
II faisait naill’ comm’ diab’ et on n’y voyait goutte,
« Monsieur l’ Cureu, qu’il dit, j’ vas vous montreu la route
J’irai dret devant vous comm’ le chantr’ le dimanche
J’ai ouï dire es anciens qu’un’ affair’ qu’était blanche
Se voyait ben la neu, tout aussi ben que l’ jour.
Pour un’ faill’, j’ s’rais l’premier, c’est point souvent mon tour !
J’ m’en vas, si vous v’lez ben, vous attireu d’ ma « haine »
La queue d’ ma ch’mis’ de taill, qu’ j’héritis d’ ma marraine.
Vous vous fix’rez sur ielle, el’ vous dira l’ chemin. »
Dam’ les v’là donc partis. Tout à coup, Bertin dit :
« Monsieur l’ Cureu, Voyez-vous ? » L’ Cureu répondit...
« Ça n’est pas que j’ la vaill, mon pèr... mais j’ la sens bin ! »

 LA MÈRE MARIETTE

 Les anciens du pays ont ben connu Mariette,
C’était la plus gripp’ sous de tout’ la rue d’ Mirette.
La femme à Mathurin, le plus rich’ du pays
Cell’ qu’avait hériteu d’ un gros cousin d’ Paris.
Quand son bonhomm’ fut mort, l’y laissant sa fortune
Dame ell’ l’ fit enterreu au fond d’ la fouss’ commune
Il n’eut doit qu’à l’enterr’ment des pauvr’s misérables
Et pour des gens si rich’s, ça ’tait point formidable
Quand il y’eut un’ année que Mathurin fut mort
L’ cureu vint vouèr la veuve et l’y dit dès l’abord
« Eh bin, la Mer’ Mariett’, pensez-vous au service ?
Au servic’ du bout d’l’an, qui comport’ deux offices ?
Le pauv’ pèr’ Mathurin n’a pas souvent d’ prière !
Faudrait l’y en fair’ dir’, car c’est vous l’héritière ! »
« Monsieur l’ Cureu, c'est sûr, j’en avais ben l’idée !
J’ai eu l’ temps d’ réfléchir pendant tout’ mon année.
Et j’ai bru tout mon saoul ben des faill’ en cachette
Ben sûr, tout l’ mond’ vous l’ diront dans la rue d’ Mirette .
Je sé un’ bonn’ personn’ qui n’ tient point à l’argent
Et qu’a terjous partout fait les chous’s largement
Mais je m’ se dit tout d’ mêm’, dam’ ma pauvr’ Mer’ Mariette
Laiss’ donc les chous’s alleu, et gard’ donc ta galette
A quoi bon t’ tourmenter pour ton pauvr’ Mathurin.
Son sort est décidé à c’t’ heur’ ci, c’est certain.
S’il est au Paradis, il n’a point besoin d’ nous
Et ça n’est pas la pein’ de dépenser tes sous !
S’il est dans les enfers, le pauv’ pèr’ Mathurin,
C’est un ben grand malheur. Mais dam’ on n’y peut rin.
S’il est au Purgatoir’ j’ pourrais ben l’ secourir,
Mais, têtu, comme il ‘tait, y n’ voudra point sortir ! »

 LE BON CIDRE (LE BON CITE)

 Le bon cit’ c’est vrai bon, mais s’ment l’ fâilli n’ vaut rin,
C’est c’ que disait tout l’ temps l’ sapré pèr’ Mathurin,
Dame, il n’avait point volé l’ Saint-Esprit, ben sûr,
Et n’avait mêm’ reçu qu’un’ tout’ petit’ mesure.
Avant de se r’tirer et qu’il n’ vive en rentier
C’te un pesant comm’ mai, et un haricotier
C’te un fameux avare et qui grattait sur tout
I disait li que l’ cit’ vaut rin quand il est doux.
Car on en baï ben trop et ça n’ fait point d’ profit
Tandis que l’ cit’ ben queu on n’en baï rin qu’un p’tit.
Vous direz c’ que vous voudrez, maï j’aim’ mieux 1’ cit’ doux
Mais c’est,comm’ pour aut’ chous, ça deu dépend’ des goûts.
Un jour donc son voisin Gergaud qu’était fratraisse
Vint li payer sa ferm’ car il lui louait un’ pièce
Du couteu d’ la Houssin’ pour en faire un jardin.
« On va baïll un’ bolée » que dit l’ pèr’ Mathurin.
« Ma faill’ c’est pas d’ refus, il fait chaud, sans qu’on s’ saoule
II n’est point défendu d’êt’ porteu sur sa goule. »
« Apport’ nous donc deux bols, et d’ la dernièr’ barrique,
Du cit’ comm’ y en a guèr car c’est maï qui l’ fabrique, »
Qu’il dit l’ pèr’ Mathurin à la défunt’ Mariette
Qui ‘tait dans son foyer à fair’ cuir’ sa galette
E’ n’ apportit aussi, et Mathurin s’ disait
« Quèqu’ va dir’ mon voisin quand il l’ara gouteu ? »
Il avait goût d’ mouési et y n’ tait point aimable
Et dam’ pour l’avaleu, fallait se t’nir à table,
Ça tait d’ la sal’ piquette, du vinaigr’ de quat’ sous
Qu’il offrait à Gergaud, ce vieux rentier grigou.
« Nom de d’la qu’il est bon, il est vraï épatant,
Pour du cit’, c’est du cit’, et qu’est ben gouleyant,
Vous vous y connaissez sans mentir Mathurin
Ça n’est pas d’ la piquett’, du cit’ qui n’a goût d’ rin. »
Mathurin, étonneu, se disait : « Ma grand’ faille
S’il trouv’ si bon c’ cit’ là que personn’ ne peut baill’
Dame et s’il le vant’ tant, que qui dira d’ mon bon
De mon pur jus d’ l’anneu, on va vay nom d’un nom. »
« Apport’ ma donc Mariette un’ bouteill’ de bouché
Du sien qui peut saouler, sans s’ment fair’ de péché. »
Ell’ en apportit donc et Mathurin versit,
Et Gergaud en buvait sans donner son avis.
« Mais tu n’ dis rin d’ mon cit’, taill qui vantais l’ premier,
Comment trouv’s-tu c’ti là? t’as l’air ben cachotier. »
« Ah c’est que j’ vas vous dir’, le premier ’tait si raide
Que pour le fair’ passer il fallait ben qu’on l’aide !
Et pour le fair’ descend’ fallait l’ complimenter
Mais c’ti la pass’ tout seul, pas besoin de l’ vanter. »

 LE REMÈDE A DEUX FINS

 Je n’ voudrais bien sûr point dir’ du mal des méd’cins ;
C’est du mond’ comme les autr’ ; et y’en a d’ bien honnêtes,
La moitié vous guériss’nt mêm’ quand vous n’avez rin.
Et y’en a qui val’ ben les siens qui soign’ les bêtes
Mais dam’ y prenn’ pu cher, et ça vous coût’ des sous
Et comm’ disait dans l’ temps, Jeulien d’ la Thébaudais
« Perd’ sa bonn’ femm’, ça compt’, mais perd’ sa vach’, c’est tout.
Et j’ va vous dir’ l’histoir’ qu’arrivit à c’ gars là.
L’année, ou y’eut tant d’ cid’ qu’on l’ donnait aux gorets
Et qu’on s’ soulait pour rin, quasiment sans piaisi
Sa vache avait enflé, enflé sauf vout’ respect
Comme la treuille à Nanon, et en mêm’ temps, voici
Qu’ sa femme aussi elle enflait comme un’ vraï bouzine
Y’s’ dit : « Dam’, c’est pas rin, deux malad’ à soigneu
Ben sur, je vas m’ ruiner à payer d’ la méd’cine
Le méd’cin et l’hongreur. Faudra-t-y en donneu ! !
Mais à quoi bon les deux, pisque la pauv’ garette
Et Jeann’ Mari, ma femme, ont la mêm’ maladie
Aller qu’ri deux médecins ? Dam’ point j’ se pas si bête
Le mêm’ f’ra ben l’affair’ et leur sauv’ra la vie.
Le méd’cin est pu cher. J’ vas chez l’ vétérinaire,
J’ vas li parleu d’ ma vache, y m’ donn’ra un’ potion
Et puis pour ma bonn’ femm’ dam’ ça f’ra ben l’affaire. »
Y fut donc à Guém’neu, trouveu Jean Becavin
Il l’y prit pas trop cher, vantié ben deux pistoles
Dam’ ça n’ tait pas l’ voleu, auprès d’un vrai méd’cin.
Y l’y donnit du quaill’ naill, dans un’ petit’ fiole.
Et Jeulien en fit boir la moitié à sa Nane
Et l’ restant à sa vach’ qui malgré ell’ le prit
Vous m’ crerez si vous v’lez, mais d’ la sacrée tisane,
La bourgeoise en guérit, s’ment la vache en kervit.

   COMMENT BATISS’ LEROUÈ ENTRIT AU PARADIS !

 Au moment qui venait d’ terpasser, l’ gas Bâtisse
Sentit qu’il tombait dret dans un grand précipice.
I se r’levit pourtant et marchit droit d’vant li.
Il allait sans l’ savaille au ch’min du Paradis.
Y vit un grand portail avec de grous piliers
Qui entouraient un’ port’ de chêne ou d’ chataigner.
Là, il eut vraiment pô. « C’est-y l’ Palais d’ Justice ?
Y s’ disait à part li, « Que vas-tu fair’ Bâtisse ?
Tant pir’ je vas sonneu.» Et v’là l’ portier qu’ arrive
Avec ses grouss’ lunett’s et qui l’y crie : « Qui vive ? »
Il avait l’air grognon comme un ancien poilu.
« Du coup, ça y est, ben sur, mon pauv’ gas, t’es foutu ! »
«Vous n’ pouviez pas entrer avec tout’ la fournée ?
J’ vas t’y donc vous attendr’ pendant tout’ la journée ? »
« La fournée, que c’est-y, la fournée d’ qua, mon gars ? "
« Eh ben, des morts, pardi, vous entendez point l’ glas ?.»
Bâtisse en tersautit. Y n’ pensait déjà pus
Qu’il ‘tait mort, et ben mort, ben pus qu’il l’aurait v’lu.
« Allez ! foutez-ma l’ camp, vite, à la sall’ d’attente. »
Batiss’ se dit : « Faut pas que l’ bourgeois s’impatiente
Ou je s’rais ’cor bézeu. » II rentrit dans la salle
Et s’assit dans un coin, dans une espèc’ de stalle
Et sans fair’ min’ de ren, il r’gardit à la ronde.
Y s’ dit : « Mais y en a t’y, mais y en a t’y du monde !
C’est pir’ que chez l’ dentiste où j’ seus alleu un’ faille,
Pour un vieux chicot d’ dent, qu’i m’ cassit c’te garsaille ! »
La port’ s’ouvrait souvent et on app’lait un nom,
Et le nommé partait, tremblant de tout son long.
V’là son tour arriveu. Il entre. Autour d’un’ table,
II vit un grand bonhomme à l’air ben vénérable
Qui le r’garde et l’y dit : « Voyons ? qui êt’s vous donc ?
J’ai beau chercheu partout, j’ai point trouvé vot’ nom. »
« Je se batiss’ Lerouè, né à Guém’né Penfo
Je sé un bon bonhomme, un homm’ ben comme il faut. »
« Lerouè... Lerouè... Le roué ?... J’ai ben des rois ici,
Mais ils n’ sont point d’ Guém’né. C’est Lerouè qu’il a dit ? »
« Mais vé ! Lerouè Batiss’ Lerouè d’ la Bourdonnière. »
« J"ai point trouvé c’ nom là, au regist’ », dit Saint Pierre.
Saint Thomas qu’était la comme un’ sort’ de greffier,
Dit : « ça doit êt’ ma faut’, j’ai ben du l’oublier.
Dame y’a tant eu d’ naissanc’s et d’ baptêm’s c’tte année là
Que un d’ plus ou un d’ moins, » « C’est bon ! Silenc’ Thomas.
Ah ! on a t’y du mal à recourir aux gens,
On croit fair’ pour le mieux, et ils vous fout’ dedans. »
« C’est vrai, dam’, je se ben, faut tout fair’ par soi-même,
Sur la terr’ comme au ciel, c’est là l’ meilleur système. »
« Ecoutez, dit saint Pierre, vous semblez un brave homme,
Mais pour entrer au ciel, ça n’ suffit pas, en somme.
Qu’est-ce qu’il dirait l’ bon Dieu si j’ vous laissais entrer
Tout simplement parc’ que l’on vous a oublié ?
J’ m’en vais faire une enquête, et ce s’ront vos amis
Qui m’ diront ben si vous méritez l’ paradis.
Ecoutez les parler, leurs voix mont’nt de la terre
Ils s’en revienn’nt moitié soûl en causant du cim’tière.
Et j’ m’en vais donc sur eux baser ma décision.
Et ça s’ront eux, mon vieux, qui f’ront vot’ position.
Ecoutez donc, Baptiste, écoutez, saint Thomas,
C’est la voix des amis qui d’ son sort décid’ra »
« Allons boire, à c’t’heur’ ci, qu’ le v’là fourré dans l’ trou.
Ce vieux copain d’ Lerouè, qu’ était tous les jours saoul. »
Dit Julien Amosseu, un bon gars d’ son village.
« Grand Saint Pierre, c’est point vra, cet homm’ là déménage !
II est terjous dans l’ vin, i’ n’ faut pas l’écouter
Il n’ fait ren que d’ mentir, il n’ faut pas s’tabuter. »
V’la Fernand L’gault ajoute : « ‘tait-il avaricieux
Ce pauv’ défunt Batiss’ ! c’est pas croyab’ mon vieux ! »
« Le cochon ! que dit-il, on a tant bu ensemble,
Et qui donc qui payait ? Ça tait ben moi, il m’ semble »
Des marrain’s qui rev’naient aussi ell’s de l’office,
En parlant du défunt disaient « Quel homrn’ de vice !
Il ‘tait sauf vout’ respect, de l’espèc’ des gorins
Dont faut attendr’ la mort pour qu’ils fass’t un p’tit d’ bien. »
« Vè, dit Marie Berthaud, de son p’tit air fripon
II jurait et sacrait, ma cher’ comme un démon »
Saint Pierre, entendant c’la, se mit fort en colère
Et dit : « Mauvais chrétien, qu’ici venez vous faire ? »
 « Tout c’là, c’est des ment’ries ! Je vous l’ jur’, bon Saint Pierre,
Vous qu’ avez si bon cœur, vous n’allez pas les crère.
Quant à m’ saouler, saint Pierr’, comm’ l’a dit l’ gars Julien
Je n’ peux pas pourtant dir, que ma je n’ buvais rien.
Et puis, si vous saviez comm’ c’est vraï bon l’ cit’ doux !!!
Pas l’ sien des auberg’s, ben sûr, mais l’ cit’ de chez nous ! »
Saint Pierre écoutait ‘cor de la terr’ les paroles,
Quand il r’connut la voix de l’ancien maît’ d’école
Qui disait : « Que v’lez vous, ç’atait un imbécile
Que l’ pauv’ Baptis’ Leroué, le plus bêt’ de la ville »
« C’est ben vrai, grand saint Pierre. C’ti là n’a pas menti,
C’est pourquoi j’espèr’ ben rentrer au Paradis. »
Et saint Pierr’ de lui dir’ : «Tu connais l’Evangile,
Entre ben vit’ Batiss’, tu n’es qu’un imbécile,
Le royaume des cieux est aux pauvres d’esprit.»
Et v’là comment Lerouè entrit au Paradis.

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